Marketing : Ce que j’aurai aimé apprendre en école de commerce 3/3

de | 18 décembre 2018
Illustration de l'article sur le cerveau

ElisaRiva / Pixabay

Dernier article de la série de ce que j’aurai aimé apprendre en école de commerce !

Pour rappel le premier article concernait le fonctionnement global d’un département marketing, le deuxième traitait de l’usage des données à usage marketing.

Après avoir évoqué les relations avec les interlocuteurs et le rationnel des données nous allons errer vers un domaine (en apparence) moins cartésien : Nos cerveaux !

Au programme :

Vous êtes victimes de votre cerveau !

Le poids des neurosciences

La psychologie sociale

Vous êtes victimes de votre cerveau !

Pourquoi « scrollez » vous à l’infini sur votre réseau social préféré ?

Pourquoi cette étincelle dans vos yeux lorsque vous avez des notifications ?

Avez-vous déjà dit « oui » à un collecteur de dons en sachant pertinement s’être fait embobiner par un discours bien rodé ?

Ou alors dit d’une piquette qu’elle était bonne car vous la saviez hors de prix ?

Vous qui êtes si rationnels d’habitude et assurément insensibles au marketing, pourquoi si je vous dis que Careglass repare, Careglass remplace vous entendez certainement son jingle si caractéristique ?

Comme le rappelle Oren Klaff dans son célèbre « How to pitch anything » (lien vers un site externe), notre cerveau est archaïque : il vient d’une époque où il était bien moins sollicité qu’aujourd’hui et les problèmes étaient « simples ». Pour s’adresser à une partie rationnelle, il faut passer par notre cerveau reptilien (le plus simpliste) : suis-je face à un danger ? dois-je fuir ou affronter si c’est une menace ?

Que vous le vouliez ou non votre cerveau peut être piégé facilement, nous sommes formatés par des comportements automatiques.

C’est important de le savoir car le marketing joue sur vos désirs et votre comportement pour vendre plus et plus souvent.

Et pour citer 99f de Frédéric Beigbeder :

Quand à force d’économie vous réussirez à vous payer la bagnole de vos rêves, je l’aurais déjà démodée. Je suis celui qui pénètre votre cerveau, je jouis dans votre hémisphère droit. Votre désir ne vous appartient plus, je vous impose le mien. Jamais un crétin aussi irresponsable que moi n’a été si puissant depuis 2000 ans.

Le poids des neurosciences : 

Les ressources tirées dans cette partie sont issues du cours en anglais Behavioral Economics and Neuromarketing disponible sur Udemy (lien vers un site externe).

Les principes exposés se recoupent pas mal avec les découvertes en psychologie sociale de la partie suivante.

Le framing / cadrage des idées : 

Le cadrage des idées repose sur une présentation biaisée des faits (la base de la publicité) pour induire un comportement : ainsi pour proposer une opération cardiaque à un patient, il est préférable de dire que 90% des patients sont toujours en vie 5 ans après l’intervention plutôt que d’indiquer que 10% des patients meurent 5 ans ou moins après l’opération.

Autre biais celui de l’évaluation jointe et séparée : ainsi si on vous propose un pot de pop corn à 2€ pour un petit format et un pot moyen à 5,5€, vous serez plus enclins à prendre le petit.

En revanche si on ajoute à la gamme un grand pot à 6€, alors que 5,5€ c’est une somme pour un pot de pop corn vous serez plus facilement tentés de prendre celui à 6€.

La façon dont est communiquée une idée et son contexte sont presque aussi importants que l’idée en tant quel.

La comptabilité mentale : 

Même si cela parait absurde, nous ne caractérisons pas nos gains de la même façon en fonction de leur source.

Ainsi notre cerveau classe les revenus en fonction de leur provenance ainsi les primes et autres bonus ne sont pas considérés de la même manière que le salaire : le salaire sert au dépense courante, les primes aux dépenses compulsives.

De même, pour les gains à long terme et court terme : nous aurons tendance à privilégier le court terme sur le long terme (on sait tous que « Demain c’est loin »).

Le pouvoir de la musique et des odeurs :

Les odeurs :

Saviez-vous que 75% des émotions ont pour élément déclencheur les odeurs.

Son usage est complexe car l’attachement émotionnel à une odeur peut changer du tout au tout en fonction de l’histoire de chacun.e.

Toutefois le recours à des odeurs « signatures » (on pense à Abercombie & Fitch dans au début des années 2010) permet d’amplifier l’attachement inconscient à une marque.

La musique : 

C’est un fait, tout comme les odeurs la musique et les sons de manière plus générale vont influencer fortement notre comportement. Ainsi augmenter le tempo moyen de la musique permet aux restaurants de vous faire manger plus vite et ainsi servir plus de personnes à la fin de la journée. Avoir recours à des ambiances musicales « cohérentes » avec ses clients et prospects permet d’augmenter le taux de transformation : ainsi avoir une liste de lecture adaptée à l’âge au genre et à la zone géographique 

La psychologie sociale : 

En plus de l’importance de notre (in)conscient et de notre cerveau, il faut également souligner l’importance des dynamiques sociales dans le comportement des consommateurs.

Influence : the psychology of persuasion :

Cet ouvrage de Robert Cialdini (lien vers site externe) publié initialement en 1984, permet de s’interroger sur les automatismes que développent nos esprits. Chaque décision étant « coûteuse » en terme de ressources (temps, argent, calories…) notre cerveau passe en mode pilote automatique selon quelques principes (là encore c’est en partie redondant avec les autres ouvrages et références citées dans cet article) :

L’engagement et le besoin de cohérence :

L’ensemble de nos décisions, même les plus irrationnelles doivent être présentées sous la vision d’un homo economicus rationnel. Dans le cadre de cette vaste blague qu’est notre « rationalité », nous cherchons souvent des justifications à nos actions et souhaitons (certainement pour une raison de statut social) être cohérents.

Ainsi si on aide quelqu’un, on sera plus enclin à aider à nouveau cette personne etc. C’est ce qu’on appelle l’échelle de l’engagement.

Cette escalade à l’engagement s’inscrit dans un besoin de cohérence : ainsi on regarde ou on lit souvent des articles qui nous confortent dans notre vision du monde (phénomène amplifié aujourd’hui par les algorithmes nous enfermant dans des bulles de plus en plus hermétiques).

En effet, étant donné qu’on a déjà investi des ressources dans une vision du monde, il est bien plus confortable de continuer à l’entretenir plutôt que de tout envoyer balader et de changer d’avis.

Le principe de réciprocité :

Le principe de réciprocité est la logique de « don contre don ». Quand on nous donne quelque chose, nous nous sentons redevables. C’est un trait « social » de l’humain. Celui ou celle qui ne donne pas en retour n’est pas bien perçu.

C’est sur ce principe que fonctionne les animations commerciales à base de dégustation, distribution d’échantillons gratuits etc. En acceptant un service ou un produit vous vous sentez obligés de rendre

« Cher = de bonne qualité » :

Un prix élevé peut (et c’est contre-intuitif) aider à vendre plus. Dans le livre de Cialdini, il s’agit de bijoux qui ont vu leurs prix doublés par erreur. Le stock s’est donc écoulé très rapidement. Les clients ont certainement associé ce prix à un certain niveau de qualité. De même il a été prouvé que le vin cher est « toujours meilleur » que le vin moins onéreux (lien en anglais vers un nouvel onglet). Et ce même s’il s’agit du même breuvage ! 

Le prix payé ou perçu nous rend plus « attentif » et alerte face à un service ou un produit.

Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens

Comme le soulignent Joule et Beauvois dans Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (lien vers site externe), quelques stratagèmes permettent de faciliter les ventes en vous piégeant : 

Le pied dans la porte :

En appliquant le principe d’engagement et de cohérence, il est possible de mettre en place une escalade de l’engagement. Si vous avez déjà dit « oui » à quelqu’un vous serez plus enclin à dire « oui » aux prochaines sollicitations.

Le pied dans la porte repose justement sur ce principe, demander quelque chose de peu coûteux pour vous « préparer » à dire « oui » à la vraie requête.

La porte au nez :

La porte au nez fonctionne sur un principe opposé à celui du pied dans la porte : demander quelque chose de très engageant et coûteux pour vous (par exemple faire du bénévolat tous les samedis soirs pendant 8 mois). Face à cette demande, on va vous opposer un don de 5€, par effet de contraste vous aurez plus facilement tendance à donner de l’argent que de donner tous vos samedis soirs pendant 8 mois.

Sauf que cette première proposition était là pour vous préparer à accepter la deuxième. L’Homme étant un animal social, il est difficile et potentiellement mal vu de dire « non » dans nos interactions avec autrui : la porte au nez est là pour vous faire culpabiliser.

Le pied dans la bouche :

Le pied dans la bouche se base sur votre besoin de cohérence pour vous faire faire quelque chose.

Ainsi, en vous demande si vous êtes généreux ou que vous êtes contre les inégalités hommes / femmes etc. pouvez-vous refuser de donner à une association luttant pour l’égalité des sexes ?

L’idée du pied dans la bouche est de vous faire prendre position selon une qualité ou une caractéristique particulière puis vous demander d’agir en fonction de celle-ci.

C’est redoutable car nous nous prenons à notre propre piège : notre besoin de cohérence et de paraître cohérent vont nous obliger à répondre positivement à cette tentative de manipulation. 

Voilà pour un tour des différents jedi mind tricks que j’ai pu collecter en fonction de différentes lectures pour faire plier l’esprit de vos clients vers le côté Obscur de la Force comme le disait IAM : 

Au nom des forces mystiques qui habitent là
Dans mon cerveau, je ne donne pas cher de ta peau

 

Une réflexion au sujet de « Marketing : Ce que j’aurai aimé apprendre en école de commerce 3/3 »

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